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Pornographie infantile, deux poids et deux mesures

Ce matin, à ma première connection sur irc, j’ai été accueillie par un « Anthere, Ca fait quoi d’etre l’ex-presidente du CA d’un site pedophile« .

Quoi ?

Et oui, dure nouvelle. Ce matin, (au moins) une page de Wikipédia est bloquée à la majorité des utilisateurs britanniques. On peut trouver plus de détails sur Wikinews et sur le blog d’Alison Wheeler (ancienne présidente de Wikimedia UK).

Pour faire court, il existe un organisme britannique, l’Internet Watch Foundation, qui publie des listes de pages internet de sites qui contiennent du contenu de type « illegal child sexual abuse content ». Pornographie infantine. Six des fournisseurs d’accès internet en Angleterre ont développé et implémenté des systèmes de filtrage qui bloquent l’accès à ces pages à leurs clients.

Apparemment, l’Internet Watch Foundation a listé (au moins) une page de la wikipédia anglophone (Virgin Killer) comme étant « à risque », en raison de la présence sur cette page de l’ancienne jacket d’un album sorti par les Scorpions (raaahhhh, toute mon enfance). La photo en question. Nous n’avons pas été averti de cette « mise à l’index », mais il semble que cela ait eu un effet annexe imprévu, entrainant le blocage en écriture de nombreux participants anglophones.

Au cours des dernières heures, nous avons reçu de nombreux emails de britanniques ne pouvant plus participer à Wikipedia. Ce qui nous a amené à investiguer l’affaire. Il est possible de voir le bug ouvert à ce sujet sur Bugzilla (16569 Contributions from major UK ISPs being assigned to the same two IP addresses) (extrait:  »It seems that all customers of Virgin Media are being assigned the IP address 62.30.249.131 when they edit Wikipedia. Similarly, all customers of Be Unlimited are being assigned the IP address 89.167.221.3. This produces all the usual problems associated with shared IP addresses on a much exaggerated scale ».)

Alison, britannique elle-même, nous confirme qu’elle ne peut plus accéder à l’article Virgin Killer. La page lui offre le message suivant:  » »We have blocked this page because, according to the Internet Watch Foundation (IWF), it contains indecent images of children or pointers to them; you could be breaking UK law if you viewed the page. »  »

Il n’est pas question de nier le fait que cette photo contienne un fort sous entendu. Il n’est pas non plus question de défendre les pédophiles, loin s’en faut.

Mais tout de même, de se poser quelques questions.

Primo, les musées et de nombreux ouvrages d’art sont pleins de photos légèrement tendancieuses, petits angelots en train de batifoler, mains baladeuses pinçant des bouts de sein, tendres adolescentes dénudées etc… qui sont accessibles à tout public. Vient le moment où il faut quand même se demander ce qui constitue de la pédophilie ou un appel à la pédophilie. Ou pas. En l’occurence, cet album n’est pas interdit en Angleterre, mais si la couverture représente une scène qui a choqué et qui a été par la suite remplacée. La couverture a été reproduite dans de nombreux livres (non condamnés).

Deuxio, la page qui a été bloquée représente un texte. Et non une image. L’image est inclue dans le texte. C’est l’image qui aurait pu être bloquée; le texte lui-même n’a rien de choquant. Censure abusive.

Troisio, la même photo se trouve sur internet sur d’autres sites. A commencer par … Amazon, qui vend le disque en question, et affiche très clairement les différentes versions successives de la jacket. Amazon qui n’est nullement bloqué pour les internautes britanniques et qui n’affiche aucun message appelant les internautes à être conscient du caractère illégal de son contenu. Quand à Amazon UK, il en affiche tout de même une version basse résolution. Deux poids deux mesures. On bloque sur Wikipedia, mais on ne bloque pas sur Amazon.

Mais pour aller plus loin, il faut aussi se demander si l’image en question tomberait en effet sous le coup de la loi britannique (Protection of Children Act 1978). Après tout, un organisme peut très bien aider les citoyens à déterminer ce qui est effectivement potentiellement illégal et dangereux pour tout public. En tant que mère de famille, je pourrais par exemple choisir de bloquer sciemment sur l’ordinateur de mes enfants, tous les liens fournis par une organisation de veille. Mais il s’agirait d’un geste volontaire de ma part. Je ne serais non plus défavorable nécessairement à ce que l’affichage de telles pages soient précédées d’une alerte, précisant que la page appelée est potentiellement illégale dans mon pays. Je serais alors libre de choisir de voir ou non la page en question.

Ce n’est pas ce qui se passe dans le cas présent. L’Internet Watch Foundation, à tort ou à raison, fournit une information. Et les fournisseurs d’accès à internet décident d’appliquer un filtrage sur ce contenu. Dans le cas d’application d’un filtrage, cela signifie que le fournisseur d’accès décide lui-même d’appliquer la loi et de considérer le fait qu’un contenu soit légal ou non. Faut-il en appeler à la justice pour que le contenu filtré soit à nouveau public ? Un fournisseur d’accès devient-il l’égal d’un tribunal ? bizarre

Et puis de quel droit un fournisseur d’accès s’arroge t-il le droit de décider non seulement ce qui est légal de ce qui ne l’est pas, mais en plus d’obliger un citoyen à appliquer la loi ?

Enfin, sans le blocage imprévu de très nombreux utilisateurs britanniques en écriture, nous aurions peut-être mis longtemps à découvrir que cette page était bloquée en lecture. Il est possible que d’autres pages soient bloquées sans que nous en soyons conscients. Et c’est tout de même ce qui est bizarre. Un fournisseur d’accès internet, qui n’est ni la justice, ni la police, se permet de bloquer l’accès en lecture à la majorité des britanniques, sans que le blocage soit connu… ni des internautes, ni même des gestionnaires du site bloqué.

Belle démocratie.

Et bien entendu, le problème sous-jacent est celui de mise en place de mesures de filtrage à l’échelle nationale. Lire l’excellent article sur écran.fr, qui explique l’origine des dégâts collatéraux de Wikipédia.

En attendant, belle publicité en perspective pour l’Internet Watch Foundation, et forte visibilité garantie pour les scorpions.

Note ultérieure: l’article sur Wikinews semble contenir de nombreuses approximations, voire même des erreurs. Mais c’est le premier article que j’ai pu lire dimanche matin sur le sujet. Depuis, la presse se déchaine. L’article par l’AP semble être de bonne qualité.

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