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Samia, Raoul et les autres

Je viens de lire un blog post tout à fait sympathique de Brianna, relatant sa rencontre avec Samia, la professeure d'art du Caire.

Je viens de lire un blog post tout à fait sympathique de Brianna, relatant sa rencontre avec Samia, la professeure d’art du Caire.

Cette dernière utilisait Wikipédia depuis déjà quelques mois, et appréciait beaucoup le site. Un jour, à sa grande surprise, elle voit apparaitre en haut du site une petite note, l’appel à l’inscription à la conférence Wikimania, devant se tenir à Alexandrie, à deux heures de chez elle !
Elle a bien sûr ouvert de grands yeux étonnés, a suivi le lien d’inscription, et s’est non seulement inscrite comme participante à Wikimania mais a aussi soumis un poster. Je n’ai pas eu la chance de voir le poster en question (les posters ayant été « cachés » au dernier étage du centre des congrés, je doute fort que plus de 10 personnes les aient vu), mais elle a aussi tiré des flyers du poster. L’idée de Samia, créer dans Wikipedia une base de données des informations relatives aux textiles et modes de tissage ancestraux.

Je suppose que quelqu’un a du lui parler de moi, car elle est venue à ma rencontre, et m’a tendu un flyer, en m’expliquant ce qu’elle espérait faire. D’un côté, le geste était attendrissant: Samia ne connait pas beaucoup Wikipédia, donc son flyer ne fait référence qu’à Wikimania 🙂 J’ai du lui expliquer notre jargon (wikipedia, c’est le projet; wikimedia, c’est l’organisation; wikimania, c’est la conférence; mediawiki, c’est le logiciel … on fait difficilement pire pour amener la confusion dans l’esprit des gens…).

Mais peu importe. Ce qui est fascinant, c’est le discours tenu par Samia. Pour résumer, Samia est experte en tissages anciens. Elle a fait la tournée des musées présentant ce genre d’artifacts, le plus souvent les étiquettes ne donnent qu’un descriptif incomplet, ou erroné, quant il y a un descriptif…
Les visiteurs du musée égyptien du Caire auront remarqué que de nombreux objets ne bénéficient pas de légendes ou d’explications (il vaut mieux louer un guide pour comprendre…). Quand les légendes existent, elles sont trilingues (arabe, anglais, français) et à voir le papier, très très très anciennes. On peut facilement imaginer que les chercheurs aient fait quelques découvertes ou éclaircis quelques mystères depuis lors.

Bref, Samia est allée à la rencontre des directeurs de musées, et leur a proposé de rédiger de nouvelles descriptions. Apparemment, elle a leur autorisation pour entrer dans certains musées et prendre des photos. Bien entendu, un objet datant de l’époque des pharaons est « domaine public » et les photos qu’elle en tire pourraient tout à fait être sous licence libre. Samia a obtenu l’accord de certains directeurs pour les descriptions, et depuis… rien. La faute à l’immobilisme des administrations 🙂 Samia se demandait s’il serait possible de mettre des photos sur « wikimania », de façon à pouvoir donner le bon descriptif à ces objets… BIEN SÛR ! Ainsi que le signale Brianna, il reste à décider du meilleur emplacement pour ces données (wikicommons, wikibooks, wikiversity, chacun tirera la couverture à soi, en fonction de son projet favori).

Pour ma part, je me suis contentée de la soutenir moralement et de la mettre en contact avec Raoul Weiler, qui travaille depuis un an à mettre en place un projet « wikipedia et objets ethnographiques ». Il a d’ailleurs donné deux conférences à ce sujet

Objectif: créer une base de données d’objets ethnographiques dans Wikipedia. Les objets pourraient être photographiés, commentés, catégorisés etc… et des liens ajoutés vers les bases de données préexistentes ou les sites internet des musées hébergeant ses objets.

Curieusement, le projet de Samia rejoint exactement celui de Raoul. Quoiqu’étant pris de l’angle de l’expert scientifique.

Sujet doux-amer. En un an, le projet de Raoul, techniquement faisable, a peu avancé. Les raisons en sont multiples.

  • Musées (en particulier français) frileux (très frileux, je crois que nous n’avons encore trouvé aucun musée français prêt à jouer le jeu).
  • Manque de temps de la part des protagonistes (par exemple, de la part de l’ICOM)
  • Manque de fonds de la part de Wikimedia France (ou plutôt manque de fonds des membres, qui n’ont pas vraiment envie de passer leur argent personnel à venir participer à de multiples réunions, alors que les musées invités ne se soucient même pas de venir ou même de s’excuser de leur absence)
  • Manque d’intérêt de la part de la Wikimedia Foundation (l’Europe est bien loin…)

Mais lentement, les choses avancent quand même… Il est certain que les gros musées, du type du Quai Branly ou le Louvres ne verront pas l’intérêt de ce genre de projet (bien au contraire). Mais au delà, c’est un projet qui peut bénéficier aux petits musées, en leur apportant une visibilité sur internet, complètement gratuite.
C’est un moyen d’aider à préserver la diversité culturelle de notre planète. Une large part des objets d’art conservés par les musées ne sont pas accessibles au public, les rendre disponibles sur internet permettrait de les mettre en valeur. J’ai d’ailleurs noté un regret dans la voix de Samia, confirmé lors de ma visite au musée Egyptien du Caire: les objets tels que « masque funéraire » ou « bijoux anciens » sont bien mis en valeur, alors que les tissus reliques de cette époque sont plutôt mis de côté, en dépit de leur intérêt pour les chercheurs.
Enfin, d’une façon générale, la compilation d’objets à l’échelle mondiale permettrait probablement de faire avancer la recherche et la connaissance des cultures les moins connues.

Il serait étonnant que le premier « projet musée » de Raoul se fasse avec un musée égyptien 🙂