Address
304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Work Hours
Monday to Friday: 7AM - 7PM
Weekend: 10AM - 5PM

Le rhinocéros blanc ne traverse pas la piste

Il y a 15 jours, je suis allée passer une semaine en Zambie, sur l’invitation de Cornell University et grâce au financement de Wikimedia Foundation et de la Bill and Melinda Gates Foundation. Un petit rapport public et des notes peuvent apporter un éclairage sur les raisons de ma présence. Sur le même modèle que mes notes sur le Nigéria, quels souvenirs vais-je conserver de ma visite…

1) Le temps à l’africaine ou comment faire entrer 400 personnes dans un avion prévu pour 300. Je ne crois pas avoir vu une seule réunion ou un seul rendez-vous être dans les temps impartis. Le top, c’est le vol pour le retour Livingstone -> Johannesbourg. A l’arrivée à l’aéroport, il est précisé qu’il vaut mieux se dépêcher de s’enregistrer, car l’avion qui sera utilisé dispose de 100 places de moins que prévu. Genre, avion de 300 places au lieu de 400.
Question innocente: « mais, combien de passagers ont prévu de monter dans cet avion ?
Réponse: « 400 ».
Q: « mais, qu’allez vous faire des 100 qui arriveront les derniers ? »
R: « dans le prochain vol…. demain »
Q: « mais, c’est un imprévu n’est-ce pas ? »
R: « en fait, on a prêté l’avion normalement prévu à une autre compagnie au dernier moment. Nous sommes en train de chercher un autre avion, ce qui est sûr est que aucun 400 places n’est disponible. Mais on devrait bien trouver quelque chose… »

La discussion (surréaliste) avait lieu une heure avant l’heure prévue du décollage (inutile de dire que l’avion fût en retard). A la française, j’ai joué des coudes pour faire partie des 300 premiers… j’ai passé un bon moment dans la boutique de shopping (pour me voir refuser ma carte bleue en sortie… abandon des cadeaux…). Pour patienter, un des participants a sorti ses flutes, pour un concert improvisé dans l’aéroport.

2) L’hotel où nous étions logés était très sympathique. J’y ai passé une excellente semaine. Mais il faut bien admettre que certains standards diffèrent un peu des notres. L’hotel datait de moins d’un an, mais toutes les chambres avaient déjà du matériel à moitié cassé. Dans ma case, c’était la douche, dans une autre, c’était les toilettes. Dans une troisième, la vitre était cassée. Quand on observe l’ardeur vrombissante du moustique moyen, on apprécie l’existence de fenêtres fermées… La chambre, fort grande par ailleurs, ne contenait qu’une toute petite penderie, sans aucune étagère et tout juste peuplée de 3 cintres (bon, on pendra les pantalons et posera les tee-shirts à même le sol). Une petite table bureau était fournie, mais sans place réelle pour poser un ordinateur portable. Après avoir poussé la bougie de secours et la boite d’alumettes prévues « au cas où », ainsi que la cafetière, puis viré la lampe, je réussi tant bien que mal à m’organiser. Je cherche une chaise… mais la chambre ne présente que de profonds fauteuils en osier… qu’il faudra garnir de deux épais oreillers pour que les mains atteignent le clavier…

Je passe sur la télécommande télé qui ne marche pas (et ne marche toujours pas une semaine après, malgrès des demandes réitérées), de toutes façons, il n’y a que trois chaines…

Comme prévisible, internet devrait marcher… mais le wifi n’arrive que péniblement (et par intermittence) à couvrir les 10 mètres autour du bureau de l’accueil de l’hotel. Les participants du workshop s’agglutinent régulièrement dans cette zone pour attraper leurs emails, mais détail pratique… la zone de couverture présente quelques fauteuils moelleux, mais aucune prise électrique. Nous déambulons entre l’accueil (pour internet) et nos chambres (pour l’électricité). Facile …

En parlant de la zone d’accueil, j’ai été étonné de ne pas voir de fenêtres. Le batiment est constitué d’un sol, de murs présentant des ouvertures et d’un simple toit avec poutres et herbes sèches réunis en ballot. Du coté sympa, la vue environnante est très agréable et le sentiment d’être à la fois dedans et dehors tout à fait plaisant. Du côté moins sympa, les moustiques dinent en même temps que nous. Pour limiter les dégâts, les batiments sont « sprayés » plusieurs fois par jour (un batiment ouvert…). Je ne peux m’empêcher de me demander vaguement si le moustique est plus dangereux que l’inhalation de pesticides 3 fois par jour
En parlant de moustiques, le patio central est occupé par une fort jolie piscine, au centre de laquelle le bar (à pied sec) est installé. Ecartons fermement toute idée de piquer une tête… la chaleur est accablante, l’idée d’une baignade attrayante, mais pas dans de l’eau verdâtre.

A côté de cela, si l’infrastructure technique ne suit pas du tout, le personnel est fabuleux. Aimable, souriant, empressé, élégament vétu (au moins la moitié des femmes sont clairement enceintes, la robe moulante ne cachant pas vraiment la situation). Parfois trop empressé d’ailleurs, nos tasses de café ou nos assiettes disparaissent parfois plus vite que nous le souhaiterions. Mais la gentillesse des hommes et des femmes travaillant dans l’hotel est vraiment appréciable. Quand quelqu’un les remercie de leur efficacité, ils prennent un air très cérémonieux, et expliquent qu’ils sont des professionnels, qu’ils ont été formés en tant que tels. C’est amusant à mettre en parallèle avec des toilettes cassées, une absence de commode pour ranger ses vêtements et l’impossibilité d’obtenir des piles en une semaine dans un hotel niveau 4 étoiles. Mais bon nombre d’employés dans les hotels français feraient bien de s’inspirer de leur sourire, de leur gentillesse et de leur prévenance . Enfin passons…

3) En dehors du travail intensif, des activités relaxantes ont été prévu pour nous. Or, l’hotel est situé juste à côté de la rivière, des chutes de Victoria et d’un petit parc pour Safari. J’envisage de visiter les chutes côté Zimbabwe (la vue est meilleure), mais il faut payer un peu plus et traverser la frontière. Tout va bien, il me reste assez de dollars (inutile de préciser qu’il n’y a pas de distributeurs à l’hotel). Je tend deux billets de 20 dollars au guide, qui me les rend en m’expliquant que mes dollars ne valent pas assez. Hummm, pardon ? Oui, ils ne valent qu’environ 10 dollars. Euh, non, ce sont deux billets de 20 dollars. Oui, mais ceux là ne valent qu’un quart de leur prix environ ? Jeuxvoudemendpardont ? Explication donnée, mes dollars datent d’avant 2004, or, un dollar post-2004 vaut un dollar. Un dollar pre-2004 vaut 1/3 à 1/4 de dollar. Ah bon ? Mais dans le monde entier, ce dollar vaux un dollar… et bien pas ici. Mais c’est bien sûr ! Un vieux dollar n’a pas la même valeur qu’un dollar neuf.

Inutile de discuter, je trouve une américaine « riche » de « vrais dollars » pour échanger mes faux dollars contre des vrais. Le guide me demande alors mon passport, puisque nous allons passer la frontière. Et puis me le rend, en me disant
– « ah non, vous ne pouvez pas aller au Zimbabwe, car votre visa en Zambie ne permet qu’une seule entrée ».
– « Mais…. j’ai payé à l’entrée en Zambie un visa valable 15 jours…. »
– « oui, mais vous devez rester dans le pays, pas entrer et sortir… »
– « attendez, c’est pour aller voir les chutes juste à côté de la frontière, je peux sortir et rerentrer, au pire, je dois racheter un nouveau visa, ca ne coûte QUE 40 dollars »
– « ben non, car CE poste de frontière ne distribue pas de visa, donc vous devriez aller ailleurs pour re-rentrer en Zambie »

Alors résumons. Je viens en Zambie, un pays plutôt pauvre (voire très pauvre), qui dispose d’une fabuleuse resource naturelle à exploiter avec des touristes plein de fric, tel que Safaris photos et autres visites de chutes de Victoria, sites aménagés pour recevoir des touristes…. et je n’irais pas voir les chutes côté Zimbabwe car pour entrer en Zambie, 1) il faut obligatoirement un visa touristique (source de revenu FACILE) et que 2) le poste frontière situé à 200 mètres des chutes de Victoria ne peut pas délivrer de visa.

Impressionnant…

Je me suis donc limitée aux chutes côté Zambie et La Zambie a perdu 40 dollars assez bêtement 🙂

Le rhino ne traverse pas la piste
J’ai fini la journée dans le petit parc de Safari situé à côté des chutes. J’ai été émue par les paysages, grandioses, le coucher de soleil sur la rivière et les animaux nonchalants. Par contre, j’ai trouvé vraiment décevant de voir à intervalles réguliers, des tas d’une poudre blanchatre, qui sert visiblement d’aliment pour les animaux… on y trouve les éléphants, les singes, le rhino blanc… pour le guide, il est beaucoup plus facile de satisfaire le touriste. Simplement conduire d’un tas de poudre à l’autre offre une quasi certitude de trouver la plupart des animaux. Quoique nous n’ayons pas pu trouver les girafes. Mais c’est tout de même un peu trop facile… Le rhino a le nez planté dans sa gamelle, située agréablement à 10 mètres de la piste. Pil poil la bonne distance pour permettre de bonnes photos, sans risquer un mouvement d’humeur de la bête.

4) Un dernier souvenir, qui restera très certainement le plus vivace. Le village. Les organisateurs du workshop avaient prévu la visite d’une communauté rurale typique du coin. Nous sommes donc monté dans des camionnettes (pourries) et avons rendu visite à plusieurs villages situés à environ 20 mn de Livingstone. Le village s’appelait Mulabalaba, 35 familles. Langue parlée: le Tonga. Après avoir visité les batiments (et dans mon cas, surtout joué un peu avec les gamins autour), nous nous sommes installés pour discuter, avec un coca dans la main. C’est une chose que d’entendre parler de la pauvreté dans les journaux, s’en est une autre que de la voir et que d’en parler avec les habitants. Quelques images qui me resteront à l’esprit

  • les essais d’elevage en batterie de poulet, pour améliorer l’ordinaire. En l’ocurrence, la « cage » est une petite construction en brique, semi-fermée et dans la semi-pénombre.
  • la fillette de l’age de ma fille, portant son petit frère sur la hanche. Anne-Gaelle porte aussi Thomas ainsi, mais ronchonne vite et le repose. Pendant les 4 heures de notre visite, la fillette n’a pas laché son frère. Visiblement, c’est son « job ».
  • Si les adultes étaient relativement bien habillés (quoique qu’éclectiquement), les tenues des enfants relevaient parfois plus du déguisement ou du symbole qu’autre chose. A quoi bon mettre un tee-shirt à un gamin, quand il est tellement troué qu’il manque au moins 2/3 du tissu ? A quoi bon mettre un pantalon à un enfant, si le pantalon ne tient pas, ce qui oblige le gamin à perpétuellement le retenir quand il se déplace ? comment concevoir que nous puissions venir avec nos appareils photos voir des gens qui ne peuvent même pas habiller leurs gosses ?
  • L’école du village, une simple case avec quelques poutres par terre. Et un tableau noir. Pas d’enseignant, les parents se relayent pour enseigner les rudiments à leurs petits.
  • le centre d’information. Une simple case. Remplie d’air, de poussière et d’un rayon de soleil.
  • Le journaliste du village. Pendant nos discussions, un homme, derrière le chef de village, prend des notes de la discussion. Assez fièrement, il nous explique être le « community journalist ». Explique avoir été formé pour cela. C’est un professionnel ! Nous lui demandons ce qui lui serait utile pour mieux faire son travail. Réponse: un vélo pour voyager plus vite entre les villages et un appareil photo, pour « documenter »; Je me demande vaguement si l’appareil souhaité serait digital ou numérique… de toutes façons, sans électricité, ni eau courante, ni gaz, ni routes goudronnées, ni moulin et la plus proche ville à 20 mn en *voiture*…
  • La jeune femme. Qui explique,  » il nous faut des moyens d’occuper les jeunes, sinon ils font des bétises, des bébés trop vite et puis il y a le sida. Ce qu’il nous faudrait pour les occuper ? Un ballon de foot pour les garçons, du fil et des aiguilles pour les filles. « 
  • la même jeune femme. « Je voudrais un téléphone pour pouvoir communiquer avec les autres femmes. Mais je le veux tres laid. Si mon téléphone est laid, les hommes ne le prendront pas. S’il est beau, ils le prendront et nous n’aurons rien »

En parlant de femmes… ce qui m’a sans doute le plus frappé est que l’extension officer (en quelque sorte, le conseiller technique, une sorte d’équivalent pour nous du conseiller de la chambre agricole) est généralement une femme. L’homme s’occupe des gros travaux. La femme s’occupe du conseil, de la volaille et du potager (seule resource à ramener un peu d’argent trébuchant au foyer, dans 20% des familles environ. Les autres n’ont pas de surplus de production agricole à vendre au marché).

J’essaye vaguement d’imaginer un système français avec un technicien agricole féminin… finalement, est-ce que la France ne serait pas un peu une société mysogyne ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.